Les Jeurs/Trient 1

Document écrit au XVIIIe siècle, commentant la confirmation de l’albergement de Vallorcine du 5 juin 1264, pour déterminer les confins du Valais.

A. Original, XVIIIe siècle, sur bifeuillet de papier.

 

Instruction des faits à eclaircir et convenir pour le limitage entre le Haut Faucigny et le Valley

1°. Comme on ignore si les 2 souverains ont eu limité leurs Etats riere ces frontieres, on en demande eclaircissement, et en cas d’affirmative communication de l’acte du limitage fait suivant la pratique des souverains.

2°. Il y a eu limitage de juridiction entre les seigneurs de Martigny et de Champmouny, on demande pareillement exhibition de l’instrument qui en aurat été dressé d’autant plus asseurement qu’il falloit que le seigneur de Chamounix limitat avec son propre (illisible), ou avec les seigneurs jurisdictionaires et souverains du Valley, attendu que la jurisdiction de Martigny a toujours appartenu ou aux comtes de Savoye ou aux eveques de Sion pour lors souverains dudit lieu.

3°. S’il n’y a point eu de limitage ny d’Etats ny de jurisdiction, il faut demander explication si l’on pretend que les Etats du Roy avancent plus vers nous que la jurisdiction de Champmouny. S’il y a quelque chose entre ces deux jurisdictions et si la souveraineté du Roy s’etend sur partie de la jurisdiction de Martigny et de ses domaines.

En cas d’affirmative, l’on demanderat en vertu de quoi.

En cas de negative, il resulte que les jurisdictions et domaines des seigneurs, et les Etats, ont les memes bornes.

4°. Ny ayant point eu de limitage ny d’Etat, ny de jurisdictions, la Savoye fairat voir en vertu de quoy elle veut venir fronter contre les petites croix en question qui limitent les terres des particuliers, et pourquoy plustost contre celles là que contre les autres qui sont tout auprés aussi bien marquées, aussi ancienes et de meme façon, figure et usage que celles en question.

5°. Ces croix estant dans un tres petit vallon formé par la nature sur un rocher fort escarpé, monseigneur l’intendant est prié de dire s’il croit de bonne fois et s’il est vraysemblable que la Savoye vienne mordre un lambeau d’une quarantaine de thoises en travers sur le bord occidental de ce rocher.

6°. Ne constant d’aucun limitage par acte, ces croix n’operent rien. Il reste donc que ces termes de l’albergement de Vallourssine cui coheret… ab alia parte locus ubi aqua nigra habet ortum usque ad limitationem quae dividit territorium de Martigniaco et… de Campomunito ne signifient et n’indiquent point d’autres limites que celles de la donation des comtes de Geneve par ces mots usque ad Balmas.

7°. Si l’on disconvient de ce sens, ils etabliront les raisons pourquoi ce mot limitationem doit etre plustost pris improprement pour une limite ou deux que dans sa signification naturelle pour un endroit qui sert de limite conformement aux termes de la donation auxquels ceux de l’albergement doivent etre relatifs.

8°. Et quand in falso supposito ce mot limitationem designeroit une limite, il resteroit à la determiner, n’estant pas connue ny distinguee par elle meme d’entre ces differentes croix semblables, desquelles cepandant il n’y en aurait qu’une d’indiquée pour limite de jurisdiction.

9°. Supposé encor que l’une de ces croix soit la signifation (sic) de l’albergement ; il s’ensuivroit que tirant droit depuis la source de l’eau noire jusqu’à l’une de ces croix, n’importe à quelle pour confiner Vallourssine selon ces termes de l’albergement, ab alia locus ubi aqua nigra habet ortum usque ad limitationem etc, cette ligne droite couperoit une partie de Vallourssine pour la donner au Champmounix qui ne la pretend et ne la possede pas, et ainsi l’albergement le detruiroit par la propre contradiction.

Le plus surprenant est que ce nonobstant, les Vallourssins veulent s’entendre non seulement plus haut que cette ligne mais meme encor plus haut que la ligne tirée droite depuis la source de l’eau noire jusqu’aux Balmes.

10°. Poursuivant la supposition que ce mot limitationem etablisse un limitage. Cette limitation ne sauroit etre prise vers le haut du terrain en question pour ny avoir jamais eu ny vestiges ny apparences de limite ny à ces croix, vu la contradiction qui en resulteroit, ny au bas où le torrent de la Barberina sert de limite. Il reste donc qu’il a dû etre planté conforme le titre primordial des moines albergateur vers les Balmes et qu’on ne sçauroit le chercher allieurs, d’autant plus que les moines donataires ne pouvoint pas outrepasser les bornes de leurs donations.

11°. Ces antres ou concavités de roche dits Balmes sont assurement où la limitation meme, ou l’endroit riere lequel la limite pretendue a dû etre plantée, vû qu’ils tirent en droite ligne par des precipices, arrêtes et eaux pandantes au confin connu de la Barberina et qu’ils font par leurs concavités et situation un point fixe connu et determiné, de meme que les 2 autres confins de cette donation ab aqua densa et super abbâ usque ad Balmas, tandis que la vacherie de Balme pouvant etre etendue ou ensterrée est en elle meme vague et indeterminée, et par consequent incapable de servir de limite.

12°. Si l’on objecte que les consorts de la vacherie de Balme passent ces antres de Balmes en jouistant de Belleplace qui est à la cote orientale des dites Balmes et eaux pandantes.

On repond que c’est en vertu d’un echange fait entre lesdits consorts de Balme et ceux de Catogne en Valley contre le district des Ogiers qui est à la cote occidentale des eaux pandantes, possedé depuis lors et encor presentement par le seigneur Groz de Martigny. Ceux de Balme me seauraint nier cet echange qu’ils ont avoué à feu monseigneur l’administrateur Fontaine, qui en fait foy par la lettre au Capitaine Ganioz.

Cet echange de proprieté n’influe rien sur les jurisdictions et domaines souverains, mais il prouve clairement qu’avant cet acte les antres de Balmes servoint de limite à ceux de Savoye conformement à la donation.